En effet, le correcteur de Word propose l’accord au singulier, « gentil » : a-t-il raison ? On peut dire que l’un et l’autre se dit ou se disent.
La locution « avoir l’air », synonyme de « paraitre » et de « sembler », introduit un attribut du sujet qui, depuis le XVIIIe siècle, s’accorde en genre et en nombre avec le sujet :
« Rosanette a l’air surprise de cette demande » (G. Flaubert)
« Ils m’avaient l’air terriblement hardis » (A. France).
Cependant, il arrive que cette locution puisse s’interpréter littéralement et que « air » ait son sens lexical de « mine, apparence » : dans ce cas, l’adjectif s’accorde toujours au masculin singulier avec « air », « comme si l’on avait “avoir UN air ” » (« Bon usage », § 249 c) :
« La reine d’Espagne a l’air bon et bienveillant. » (Stendhal)
« Comme ils avaient l’air triste. » (A. Camus).
Bien plus, l’accord de l’adjectif avec « air » est obligatoire quand ce nom a un complément : « La ville a l’air tout à la fois animé et désœuvré d’un dimanche » (J. et J. Tharaud) ou quand il s’oppose à un autre nom : « Elle a l’air hautain, mais le cœur compatissant. »
L’air de rien, ce n’est pas si simple.
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.