Les prépositions « à » et « de », tôt héritées du latin (IXe s.), qui expriment des rapports de position, sont de sens contraire : « à » (du latin « ad ») indique la direction, la destination ; « de » (du latin « de ») marque l’origine, l’appartenance. Leurs champs sémantiques étant distincts, elles ne devraient pas se confondre, et c’est souvent le cas, comme dans l’indication du lieu : « Elle vient de Toulouse et elle va à Nantes ». Mais on peut hésiter entre « à » et « de » dans diverses constructions.
Dans la construction des compléments du nom, chaque préposition a son rôle : « les compléments des noms désignant des récipients sont introduits par « à » s’il s’agit de la destination et par « de » quand on envisage le contenu » (« Le bon usage », § 355b, cite la comédie de Labiche où l’on passe du pot d’eau versé sur la tête d’un personnage au pot à eau une fois vidé). On verse le thé dans une tasse à thé et l’on commande une tasse de thé, vert ou noir. La tasse de thé désigne aussi bien la tasse contenant le thé que le thé contenu par métonymie (voir l’expression familière : « il a bu la tasse »). On oppose de même un verre à vin et un verre de vin, un seau à glace et un seau de glace, un sac à patates et un sac de patates. Cependant, après un récipient que l’on jette quand il est vide (penser au recyclage), on emploie d’habitude « de » : une boîte de conserve, « des boîtes de sardines vides » (Duhamel). Par ailleurs, on peut aimer aussi bien la confiture de fraises (fruits qui composent la confiture) et la tarte aux fraises (ingrédients de la tarte).
Le complément du nom indiquant l’appartenance est normalement introduit par « de » : « le château de ma mère » (M. Pagnol), « Le Fils de Jean » (titre de film), « la jument de Michao » (chanson). Mais on utilise aussi « à », fréquent en ancien français, qui est un archaïsme, considéré aujourd’hui comme familier et vivant dans des expressions populaires : « la barbe à papa », « un fils à papa ». Maupassant en fait un trait du parler paysan dans « La Bête à Maît' Belhomme ». Et l’on continuera de chanter avec le Gavroche de Victor Hugo : « Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire / Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau. »