Les manuels d’exercices d’orthographe hésitent entre « Zéro faute » et « Zéro fautes ». D’un strict point de vue logique, le singulier s’impose. Comme nous avons « aucune faute », on ne peut pas dénombrer les éléments d’une liste vide : 0 x 2 = 0. Certains manuels choisissent le pluriel pour sa valeur emphatique, au prix de cette contradiction logique.
Réfléchissons à la question de la faute. Tombé du Paradis terrestre orthographique, l’élève a rencontré la Faute : « Fôte (ou fruit du péché). Il ‘faudrait’ que je ne ‘faillisse’ pas, mais, vaille que vaille, ‘je faux, tu faux, il faut’..., j’ai tout ‘faux’ et le cœur me ‘faut’ » (N. Catach 1989). La faute d’orthographe provoque la critique sociale et un sentiment de culpabilité, installant chez beaucoup d’élèves la peur de faire des fautes, et partant, d’écrire. L’orthographe a acquis une image négative liée à cette évaluation sanction, associée à un barème négatif de la dictée traditionnelle (en retranchant des points pour chaque faute, on arrive vite au zéro).
Pour construire une démarche d’apprentissage positive, les pédagogues préfèrent parler de l’erreur qui, on le sait, fait partie de tout apprentissage, qu’il s’agisse de piloter un skateboard ou de maîtriser l’orthographe. Selon G. Bachelard, l’acquisition de la connaissance procède par approximation et rectification. L’erreur vient d’un défaut ou d’un excès de conceptualisation. Dans le premier cas, quand on ignore la forme graphique d’un mot, on va essayer de la trouver par divers moyens, notamment l’analogie. Par exemple, un enfant qui maîtrise mal la conjugaison verbale peut écrire « *il crit » comme « il dit, écrit », verbes qu’il connaît. L’erreur par excès vient de l’extension d’une règle au-delà de son champ d’application, cas fréquent des règles d’orthographe souvent données comme absolues. Par exemple, l’enfant apprend en premier lieu la marque « -s » du pluriel des noms (« les chiens ») avant celle des verbes (« ils mangent »). Il pourra donc écrire « *les animaux manges » et aussi par la suite, inversement, «*les carnivorent mangent ». Sans parler de la sémantique enfantine : un enfant (9 ans) écrit « le chien aboies », car, dit-il, « il aboie plusieurs fois ». Bref, l’exploration des erreurs est révélatrice des stratégies d’apprentissage que les enfants mettent en œuvre.