Claire Blanche-Benveniste (renommée CBB) a redonné ses lettres de noblesse au « français parlé », en le remettant au centre des recherches linguistiques car, même si F. de Saussure a affirmé la primauté de l’oral, dans les faits, la grammaire est restée centrée sur l’écrit pour décrire la langue. La norme a longtemps stigmatisé l’oral, dévalorisé comme un usage « relâché, fautif » du français, par opposition à l’écrit « correct ». Le terme « parlé » est ambigu, car il désigne aussi bien l’oral qu’un niveau de langue familier. En fait, l’oral fait bien partie du français tout court et il connait, comme l’écrit, des niveaux de langue différents. À côté des usages familiers, CBB a ainsi relevé de beaux exemples de la « langue du dimanche », autrement dit d’un français oral soigné (voir le texte « Les lentilles » de Claire Blanche-Benveniste, « Choix de textes de français parlé », Champion, 2002).
CBB a fondé le GARS, « Groupe aixois de recherches en syntaxe », qui a publié jusqu’en 2003 sa revue « Recherches sur le français parlé ». Avec son équipe, elle a constitué un « corpus de référence du français parlé » (440 000 mots), en commençant par fixer des normes de transcription et d’édition. Ainsi, elle a choisi de transcrire les textes en orthographe ordinaire et de noter certaines particularités de l’oral (hésitations, pauses, ...). Ces textes oraux ont donné lieu à des analyses spécifiques des traits d’oralité, mais aussi de la syntaxe de l’oral, où la phrase n’est pas forcément une réalité immédiate. Après avoir développé « l’approche pronominale », où les pronoms sont des indicateurs de construction des verbes, CBB a élaboré une description du discours oral dans lequel, s’inspirant de l’analogie avec les mots construits, elle distingue le préfixe, le noyau et le suffixe (Voir CBB, « Approches de la langue parlée en français », Ophrys, 2000).
Grâce aux travaux de CBB et d’autres équipes, notamment de Paris III, nous avons une meilleure perception de l’oral, de son fonctionnement et de sa place dans la diversité des usages du français, dont la particularité reste le décalage important entre l’oral et l’écrit.