L’hyperbole est une figure de style, un trope, qui « augmente ou diminue les choses avec excès » (P. Fontanier). On la rencontre partout, dans les discours oraux et écrits, dans les textes littéraires et non littéraires. Un exemple littéraire célèbre, proche du paradoxe, de J.-B. Rousseau qui évoque le bonheur du juste dans le Ciel : « L’éternité pour moi ne sera qu’un instant ». Une hyperbole décisive est au cœur du roman de Robert Musil, « L’Homme sans qualités » (chapitre 13). Quand Ulrich lit dans un journal « un cheval de course génial » (un artiste peut être génial, mais un cheval de course ?), cela lui confirme qu’il n’est qu’un homme sans qualités. L’hyperbole répond au besoin d’expressivité dans tout discours, jouant parfois sur le sens figuré. Notre époque en est tellement friande qu’on peut ne plus en avoir conscience. Une série comme « Game of Thrones » est virale. Une omelette aux truffes peut-être une tuerie. Une queue interminable pour avoir des billets de concert, c’est la guerre. Je me suis tué le doigt en ouvrant cette huître ! Les jeunes en font un usage quasi automatique : – Jimmy, vous avez eu 18 à votre devoir ! – Eh Madame, franchement, j’suis mort ! (Mathilde Levesque, « Figures stylées », First éditions, p. 124-125) Pour eux, tout est « grave » (« J’assure grave »). C’est trop !
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.