Beaucoup de mots se terminent par une consonne muette, qu’il est facile d’oublier et parfois difficile de trouver. Le rôle principal des consonnes finales muettes est de marquer l’unité des familles de mots ou la cohésion des formes grammaticales. Pour trouver la consonne finale muette d’un nom, d’un adjectif ou d’un participe passé, on le met au féminin, où la consonne se prononce : « renard> renarde ; petit>petite ; pris > prise. » A côté de ces correspondances simples, certaines sont plus complexes (« blanc>blanche ; roux>rousse »). En général, une consonne finale muette peut se prononcer dans un mot de la même famille : « retard>retarder ; vent > venteux ». Certains suffixes ont une graphie stable ; il suffit de les identifier : « -ant » dans « habitant », comme dans les noms issus de participes présents ; « -ard » dans « faiblard » ; -« ment » dans des noms d’action (« sifflement ») ou surtout des adverbes de manière (« doucement ») ; etc. Mais tous ces procédés ne sont pas systématiques : ils suivent des principes généraux, qui n’excluent pas des cas particuliers ou des exceptions (« numéroter », mais « numéro » ; « verdir », mais « vert»), notamment dans des séries désaccordées (« tabac, tabatière, tabagie »). Et dans certains cas, les lettres finales muettes ne peuvent s’expliquer que par l’étymologie, comme dans « trop », où le -p est dû au francique « thorp », qui est aussi à l’origine de « troupeau ». Dans ce cas, la consonne finale sert à distinguer des homonymes (« trop » vs « trot »). Certaines lettres finales sont paradoxales, comme l’a relevé un humoriste québécois, qui doit expliquer à sa fille que le nom « foie » n’est pas un féminin, alors que « la foi » est sans -e, et que « une fois » est un singulier, malgré ces deux terminaisons consacrées. A propos de pluriel, dans la plupart des noms et des adjectifs, on ajoute au singulier un -s final (« jolis visages »), qui se prononce [z] en liaison (« de jolizenfants »). On doit donc toujours penser à la règle d’accord au pluriel. Certains, comme Topaze (de Pagnol), peuvent être tentés de prononcer ces lettres muettes pour aider un élève hésitant lors d’une dictée : « Des moutons... des moutons... étaient en sûreté dans un parc (...) Des moutons... moutonss... (L'Élève le regarde ahuri.) Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. »
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.