En France, comme dans d’autres pays ouverts sur la mer, la langue possède un vocabulaire spécialisé riche en termes maritimes. Elle en a emprunté certains au néerlandais : « matelot » vient de « mattenoot », « compagnon de couche » à l’époque où l’on partageait un hamac pour deux. « Bâbord », qui signifie « le côté gauche d’un navire », vient de « bakboord », « côté du dos », parce que le pilote manœuvrait en tournant le dos au côté gauche (Robert). « Tribord », le côté droit, vient de « stierboord », « bord (boord) du gouvernail (stier) » (Robert). Les croyances gouvernent le choix du vocabulaire. On ne parle pas de cordes sur un bateau (sauf pour la cloche), mais de bouts (prononcer « boute »). En passant, signalons que les lapins sont interdits à bord (le bateau était naguère en bois !), mais pas les chats, utiles pour repousser la population des rats. Quand ceux-ci quittent le navire, c’est mauvais signe. Car le vocabulaire maritime nous offre des expressions figurées. Sans parler des différents vents, contraires ou favorables, les cinéphiles ont apprécié naguère la Nouvelle Vague. Et dans un univers connecté, on navigue ou l’on surfe sur le Net (qui est, au sens propre, un filet en anglais). La mer est une source d’inspiration littéraire depuis Homère (Joseph Conrad, Jack London, Jules Verne, …), avec les craintes qu’elle suscite depuis l’Odyssée. Un film récent, « Le chant du loup », s’ouvre sur une citation attribuée à Aristote : « ll y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui sont en mer ». « Oh mes boués ! », comme dit Jean-François de Nantes dans un chant marin (« boués » est une déformation française de « boys »).
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.