L’orthographe du mot « temps » (fin du Xe s.) est très proche de son étymon latin, « tempus », à une voyelle près (on a aussi écrit « tems » jusqu’au XIXe siècle). Ce mot est riche d’acceptions qui se regroupent autour de deux pôles principaux (Robert) : « le temps qui passe » (durée, chronologie) et « le temps qu’il fait » (météorologie). Dès le XVe siècle, la grammaire l’emploie pour caractériser la chronologie, les trois époques exprimées par les formes du verbe (passé, présent, futur). Cependant, il n’y a pas de stricte identité entre le temps « réel » et le temps « linguistique ». Ainsi, le « présent de l’indicatif » peut aussi bien se référer à l’époque présente, passée (« Hier, je rencontre Marcel ») ou future (« Il part demain pour Balbec »).Ou bien un « futur antérieur » peut évoquer une période passée : « Il ne vient pas ; il aura oublié le rendez-vous ». Le temps occupe une place importante dans la réflexion philosophique depuis Pascal. Et, dans la poésie lyrique, la fuite du temps est un thème constant, en France depuis, entre autres, la rose de Ronsard : « Le temps n'a point de rive. Il coule et nous passons ! » (Lamartine).
Enfin, sur ce sujet, comment ne pas évoquer Marcel Proust, « À la recherche du temps perdu » ? « [Si du moins il m’était laissé assez de temps] pour accomplir mon œuvre, ne manquerais-je pas d’abord d’y décrire les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant une place si considérable, à côté de celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place au contraire prolongée sans mesure puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants plongés dans les années à des époques, vécues par eux si distantes, entre lesquelles tant de jours sont venus se placer – dans le Temps. » [fin du roman]
N'hésitez pas à consulter sur ce sujet le n° de Courrier International "Le temps passe-t-il trop vite?" (n° 1468 du 20 décembre 2018 au 9 janvier 2019).
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.