Comme ces deux adverbes de temps sont liés par un sens contraire et qu’ils sont formés de la soudure de deux éléments, on pourrait rechercher la même explication du -s final. Il n’en est rien.
- « Jamais » (1080) est composé de « ja », du latin « jam » (« déjà ») (qu’on retrouve aussi dans « déjà » et « jadis »), et de « mais », du latin « magis » (« plus »). « Ja » et « mais » étaient employés chacun seul en ancien français : « ja » indiquait que l’action est effective (« Ja sui je vostre amie » = « Je suis bien votre amie ») et « mais » signifiait « davantage » (sens gardé dans « n’en pouvoir mais » = « pas plus »). « Jamais » s’emploie comme négation de temps, mais il garde parfois un sens positif, notamment dans « à jamais », « pour jamais », au sens de « pour toujours » :
BÉRÉNICE. – Je n'écoute plus rien, et pour jamais, adieu. (J. Racine, Bérénice).
- « Toujours » (1080) est composé de « tous » et « jours », qui se sont soudés. D’abord de forme « tousiours », cet adverbe de temps indiquant surtout une longue durée a perdu son « s » interne à la fin du XVIIIe siècle :
Ce n'est plus cette richesse d'un fonds toujours inépuisable et toujours prêt à se répandre, qui fait que l'artiste trouve toujours sous la main ce qu'il lui faut. (E. Delacroix).
Donc, on peut le dire, le « -s » final de « toujours » est bien à l’origine le fameux « -s » du pluriel (= « tous les jours »). Ce n’est pas le cas pour « mais » et « jamais » qui se terminent par un « -s » dit adverbial, qu’on rencontre dans divers adverbes (« alors », « puis ») et prépositions (« après », « dès »). Dans certains cas (« mais », « plus »), ce « -s » vient du latin, dans d’autres non (« alors »). Bref, un « -s » final n’est pas toujours la marque du pluriel.