Souvent, on trouve une correspondance régulière entre le féminin et le masculin des noms : selon la règle générale, il suffit d’ajouter un -e au masculin : « renard / renarde, président / présidente », parfois en doublant la consonne : « chat / chatte, chien / chienne ». Le couple « loup / louve » représente une exception. Pourquoi dit on « un loup » et « une louve » ?
Cette irrégularité a un bon côté : elle évite un féminin « loupe » qui aurait été homonyme de l’instrument d’optique à effet grossissant. Mais cet évitement de l’homonymie n’est pas la bonne explication, car le nom « loupe » est apparu (1328) après notre couple, pour désigner une pierre précieuse qui présente un défaut. Le sens optique est arrivé le dernier (1680).
Revenons, osons-nous dire, à nos moutons. En fait, chaque membre du couple a suivi son chemin. La « louve » (1175, « love ») a pris la voie la plus simple, celle de l’évolution phonétique habituelle à partir du féminin latin « lupa ». Dès le début en français, « louve » a désigné « la femelle du loup ». Le loup, quant à lui, a pris un chemin plus tortueux ; il a d’abord été le « leu » (1080), terme conservé dans l’expression « à la queue leu leu ». Puis il est devenu le « loup » (1180), prenant son « ou » de sa moitié et son « p » de l’étymon latin « lupus ».
Un animal insaisissable donc, devenu malgré lui le modèle de l’animal féroce, comme on le lit dans « Le petit chaperon rouge ». « Méfiez-vous des loups, jeunes filles », dit Perrault, surtout de ceux qui sont « d’une humeur accorte, », car « […] hélas ! qui ne sait que ces loups doucereux, / De tous les loups sont les plus dangereux. » Cependant, on a formé un terme affectueux par répétition, « loup-loup » (fin XVIIIe s.) devenu « loulou » (1842), qui désigne un charmant petit chien à longs poils (« loulou de Poméranie »). Comme quoi le loup n’est pas toujours redoutable, devenu avec un possessif « un appellatif affectueux » (1890), « mon loup » ou « mon petit loup » (« Dict. hist. de la langue française »), comme dans la chanson de Pierre Perret. Mais au figuré, on se méfie toujours des « jeunes loups » (1966) dont les dents, dit-on, rayent le parquet.