Le verbe « remercier » (v. 1174) est dérivé de l’ancien français « mercier » (1080), lui-même formé sur le nom « merci ». Il signifie littéralement « dire merci ». « Remercier » est un verbe performatif, qui sert à accomplir un acte de langage de remerciement dans des conditions appropriées : « Mon bon monsieur, je vous remercie. Que le ciel vous bénisse ! » (Balzac). Il est aussi employé par euphémisme au sens de « licencier », renvoyer » (1687) : « remercier un employé ».
Ce verbe transitif peut être suivi de diverses prépositions. On hésite entre « de » et « pour », car « certains compléments peuvent être considérés comme des compléments d’objet ou comme des compléments adverbiaux marquant la cause » (« Bon usage », § 293 ; même problème avec « féliciter, excuser »).
« Remercier de » est d’usage classique :
« Je vous remercie de vos bonnes intentions » (Stendhal).
« Remercier pour » est très répandu aujourd’hui :
« Je vous remercie du fond du cœur pour votre splendide cadeau » (Flaubert).
Si la nuance de sens peut sembler subtile, on a tendance à employer « pour » avec des choses concrètes (cadeau, envoi) et « de » avec un infinitif, notamment passé, ou une subordonnée : « Je remercie le ciel de m'avoir fait naître dans le meilleur rang et belle » (Barrès). Mais l’hésitation est réelle pour les noms abstraits : « Je vous remercie de/pour votre accueil, attention, gentillesse, hospitalité, … ». « Certains grammairiens estiment que “remercier pour” ne peut se dire quand on refuse la chose pour laquelle on remercie » (« Le Bon usage », qui est réservé sur cette opinion). Le sens plein de « pour » joue sans doute en sa faveur, « de » étant plus incolore.
L’usager pourrait « demander merci », nom qui connait des hésitations analogues entre « de » et « pour ».
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.