Certains mots français n’ont pas une orthographe unique, comme ce petit mot qui désigne ce qui sert à ouvrir ou à maintenir (plan du Robert).
Historiquement, « clef » est premier (1080), issu du latin « clavis », « clef, loquet, barre » : le « v » latin devient « f » en français. Le mot latin était à l’origine synonyme de « clavus », qui a donné « clou », base d’une famille nombreuse de mots techniques exprimant l’idée de « fermeture » : « clore, clou ; cheville, clavicule, conclave » (« Dictionnaire historique de la langue française »).
La graphie « clé », à peine moins ancienne (v. 1121), est la réfection d’un singulier sur l’ancien pluriel « clez, cles », où le « f » final avait disparu devant « z, s ».
Jusqu’au XIXe s., « clef » est le plus courant et le TLFi l’emploie dans ses exemples. Aujourd’hui, les dictionnaires signalent les deux graphies en entrée, mais le Petit Robert (2016) donne « clé » dans tous ses exemples.
Certains préfèrent écrire « clef » par coquetterie étymologique.
Et puis, en musique, on peut préférer « clef » dont le f » final, en calligraphie, peut faire penser à la clef de sol. Mais parmi les très nombreux sens techniques du mot, la graphie « clé » est nettement privilégiée dans l’usage courant (un magasin de clé-minute) et dans certains sens modernes (une clé USB).
Cette question clé reste d’actualité, sans être la clef de voûte de notre orthographe !
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.