On sait que la plupart des mots français viennent du latin. Mais, à côté de ceux qui ont suivi l’évolution phonétique du latin au français, un certain nombre de mots latins ont été empruntés tels quels en français, sans modification de forme : « agenda, album, lavabo, minus habens, quiproquo », ... (lire Henriette Walter, « Minus, lapsus et mordicus », R. Laffont, 2014). Arrêtons-nous aujourd’hui sur l’un d’entre eux. « Placebo » : « substance neutre dépourvue d'activité pharmacologique, utilisée dans un contexte thérapeutique » (Petit Robert). « Le placebo ne relève pas du charlatanisme ; il permet au médecin de rassurer son malade et, éventuellement, de diminuer les doses d'un médicament habituel sans que l'effet en soit atténué » (« Psychologie », 1969). Le nom récent « placebo » (1954) est la 1re personne du singulier du futur du verbe latin « placere », « je plairai ». Il a été en fait emprunté à l’anglais, qui l’utilise comme terme médical depuis 1785. On hésite encore sur son orthographe : « placebo » ou « placébo » (1990) ; pluriel avec ou sans -s. La connotation de ce terme est négative : on s’en sert pour critiquer des médicaments, comme le montre le débat actuel sur l’homéopathie. De fait, le placébo agit sur le psychisme du patient grâce à la production d’endorphines et peut provoquer des guérisons inattendues. Son contraire, moins connu, le « nocebo » (« je nuirai »), a un effet négatif, comme quand on craint les effets secondaires d’un médicament allopathique. D’autres mots du même type seront étudiés à la loupe dans de prochains posts…
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.