C’est un verbe très défectif, qui s’emploie aujourd’hui à peu de formes, le plus souvent avec son tréma, comme à l’infinitif : « Quand vous serez retourné dans la Grèce, (...) on s'assemblera autour de vous, pour vous ouïr conter les mœurs des rois à la longue chevelure » (Chateaubriand). Et l’on peut toujours « ouïr la messe », au sens d’y assister. On emploie encore les temps composés avec le participe « ouï », qui nous a donné « l’ouïe » et « ouï dire », et aussi l’impératif « oyez », avec sa coloration moyenâgeuse, ainsi que le passé simple en littérature : « J'adore Granier. Quelle artiste ! Je l'ouïs pour la première fois dans ‘Amants’ » (Jules Renard). Mais employer « j’ouïs » est un peu risqué à l’oral ! Les manuels de conjugaison donnent des formes archaïques, comme le présent « j’ois », qui font la joie des humoristes comme Raymond Devos : « L'oie oit ? Elle oit, l'oie ! Ce que nous oyons, l'oie l'oit-elle ? Si au lieu de dire "l'oreille", on dit "l'ouïe", alors : L'ouïe de l'oie a ouï. Pour peu que l'oie appartienne à Louis : "L'ouïe de l'oie de Louis a ouï " Ah oui ? " »
Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.