La distinction entre la voyelle « i » et la consonne « j » s’est installée tardivement : elle s’est généralisée dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Auparavant, c’était la voyelle « i » qui notait indifféremment la consonne ou la voyelle : « ie, iour, pari, adiouster, hier, ... » . En attendant, pour noter la consonne, on a eu massivement recours à la lettre « g », suivant la règle de position toujours en vigueur : « g » note « je » devant « e, i, y », ainsi que « ge » devant « a, o, u » : « mange, mangea ».
L’orthographe peut provoquer une faute de prononciation quand le « e » est dissocié du « g », comme dans « geôle », où il est prononcé à tort « é », ou faussement relié à la voyelle qui le suit dans « gageure » où l’on entend « eu », alors que la prononciation correcte serait « gajure », si on employait le « j » (« gageure » est dérivé de « gager », avec le suffixe « -ure »).
Ainsi, l’orthographe provoque des erreurs de prononciation, qui parfois s’imposent. Dans l’ancienne langue, le « n mouillé » était transcrit « gn » (« agneau ») ou « ign » (le fameux « oignon », rectifié en « ognon »). Dans ce second cas, l’association de la voyelle « i » avec celle qui précède a modifié la prononciation, ainsi du nom de l’auteur des « Essais » : Pascal prononçait et écrivait « Montagne », nous écrivons « Montaigne » que nous prononçons avec un « è ». « L'accoutumance est une seconde nature, et non moins puissante » (Montaigne).
Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.
Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).
En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.