La tradition scolaire en fait un mode distinct, alors que tout montre que c’est un temps de l’indicatif, qui a des parentés évidentes avec le futur simple et l’imparfait. La formation du conditionnel présent est semblable à celle du futur simple : infinitif du verbe + verbe latin « habeo » (>futur) ou « habebam » (> conditionnel). Dans la forme « chanterait », on identifie le « r » du futur et le « ait » de l’imparfait. Et les emplois du conditionnel (présent, passé) sont symétriques à ceux du futur (simple, antérieur).
Ainsi, alors que le futur indique l’avenir par rapport au présent, le conditionnel indique un futur vu du passé : « Arthur annonce qu’il viendra » / « Arthur annonçait qu’il viendrait ». On rencontre le conditionnel surtout dans des subordonnées, en particulier dans le discours indirect. Dans certains cas, cette valeur temporelle peut être teintée de la suivante.
L’avenir étant par définition incertain, le futur et le conditionnel donnent deux perceptions différentes d’une action à venir. Le futur la donne comme probable, le conditionnel indique qu’elle est simplement possible voire, dans certains contextes, impossible : « je viendrai demain », c’est assez sûr ; « je viendrais demain », c’est possible, mais si j’ajoute, par exemple, « mais j’ai un rendez-vous urgent », je considère ma venue comme impossible.
Le terme « conditionnel » signifie que ce temps évoque des actions qui sont soumises à une condition. C’est vrai dans les systèmes hypothétiques : « si je trouvais un train, je viendrais volontiers ». Mais le conditionnel n’exprime pas toujours une action soumise à condition, comme dans le cas d’une information incertaine : « Le pdt Trump souffrirait d’une intoxication à la chloroquine ». Depuis le 16e s., on a cherché d’autres appellations : Meigret proposait de l’appeler « forme en -rais ». On peut garder le terme « conditionnel », bien implanté dans l’usage scolaire, en attendant que les modes évoluent.