S’il est important d’identifier et relever les fautes de français, il est tout aussi important d’essayer de les comprendre. À ce titre, le livre d’Henri Frei, "La Grammaire des fautes" (1929) reste une référence pour les linguistes et les pédagogues.
À partir de l’étude de lettres parvenues à l’Agence des prisonniers de guerre de Genève pendant la 1re Guerre mondiale, Henri Frei explique que les fautes ont une fonction précise pour combler un déficit. Elles répondent à cinq besoins généraux :
- 1) le besoin d’assimilation, "forme linguistique de l’instinct d’imitation", notamment le rapprochement analogique ;
Exemple : "pécunier" au masculin comme "régulier" et non "pécuniaire"
- 2) le besoin de différenciation (ou de clarté), inverse du précédent, vise à « distinguer les éléments linguistiques les uns des autres » pour éviter les confusions :
Exemple : "ils croyent", distinct oralement de "croit" ; "il finissa", différent du présent "finit".
- 3) le besoin de brièveté, autrement dit le souci d’économie, notamment l’ellipse (Exemple : "connais pas") ou l’haplologie (Exemple : "J’irai", au lieu de "J’y irai").
- 4) le besoin d’invariabilité, comme l’emploi de termes génériques (Exemple : "chose", "truc"), le non accord du verbe (Exemple : "elle s’y est mal pris"), l’invariabilité du radical du futur (Exemple : "j’ouvrerai") ou du subjonctif (Exemple : "que j’alle").
- 5) le besoin d’expressivité qui se manifeste par l’emploi de figures (Exemple : "je me suis tué le doigt"), des emprunts à une langue étrangère jugés expressifs (Exemple : "management", "footing")...
On l’a compris, ce livre ne se limite pas à l’explication des fautes, mais aide à expliquer, d’un point de vue fonctionnel, les grandes tendances, parfois contradictoires, qui sont à l’œuvre dans l’évolution d’une langue.